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Mondialisation de l’enseignement supérieur : Où en est le Maroc ?

CE QU'ILS DISENT DE NOUS !

Aimad Amzil
Directeur Général
Anouar Semlali
Conseiller en Gestion de patrimoine Crédit du Maroc

Mondialisation de l’enseignement supérieur : Où en est le Maroc ?

Pr. Lamrani Moulay Ahmed : Président du Groupe HEEC Marrakech

L’enseignement supérieur au Maroc  qui impacte  les secteurs clefs  de développement économique, nous impose une analyse de cause à effet des transformations, des mutations, des bouleversements qu’a connu le monde et leur impact sur notre société. Les analyses des chercheurs, les réactions des institutions de formation  et les stratégies adoptées par les  gouvernements à l’échelle mondiale,  ont permis de de définir des actions  non pas pour contrecarrer ces mutations, mais pour accompagner ces changements. Ceux qui ont pu définir des stratégies comme les universités des USA, du R.U,  de l’Australie, et en moindre mesure la France,  ont réussi à se maintenir  et à développer et internationaliser  leur système de formation et se positionner mondialement par la mobilité de leurs étudiants et la production scientifique de leurs laboratoires, les autres ont perdu de la hauteur et ont commencé à sombrer. Le cas du Maroc est intéressant puisque malgré d’importants  efforts louables par l’Etat, n’arrive pas à remonter la pente. Si plusieurs universités et écoles publiques et privées ont pu diversifier leur modèle de formation, elles n’ont pas pu intégrer le système éducatif mondial et se hisser parmi les meilleures destinations qui attirent les étudiants étrangers dans nos institutions par manque de conditions favorables à la recherche et à l’excellence.

L’enseignement,  la formation  et la recherche étant les  piliers du  secteur éducatif dont l’évolution ne peut être que parallèle aux  changements et aux  mutations que connait le monde. Lequel de ces concepts  suivant doit on adopter  pour analyser  cette problématique que pose le monde éducatif ?

 L’enseignement supérieur vit son Internationalisation, sa globalisation, sa standardisation,  sa mondialisation, son intégration  ou son unification? A notre avis aucun. Mais je pense que tous ces termes peuvent être combinés  pour comprendre  comment le monde de l’enseignement supérieur  réagit et réagira dans l’avenir  pour accompagner le monde dans sa rapide évolution et son inéluctable unification irréversible.

Pour comprendre l’évolution de l’enseignement supérieur en général et au Maroc en particulier, l’adoption d’une démarche comparative  de quelques cas et  exemples concrets ayant permis à certains pays ou tout simplement quelques universités de réussir leur parcours pour développer leurs relations intra-universitaires dont l’objectif est de mutualiser leurs  synergies et répondre le savoir et le savoir-faire à travers le monde.

Trois  grandes étapes peuvent être distinguées pour comprendre comment on est passé de l’internationalisation de l’éducation (fin des années 60), à la mondialisation de la formation (fin des années 80) et enfin à l’intégration d’une dimension internationale du contenu de l’éducation  reflétée  par  la globalisation et la standardisation de la connaissance et du savoir considérées  comme élément essentiel du développement culturel, social et économique des nations.

 Durant ces  trois étapes, on peut noter, les différentes démarches et stratégies utilisées  par l’une ou l’autre des universités à travers le monde pour aboutir à l’état actuel su système éducatif mondial.

La première étape est celle qui a poussé les pays devenus indépendants à orienter leurs  systèmes éducatifs vers ceux des pays nantis. L’internationalisation s’est faite en orientant les systèmes éducatifs vers  la francophonie ou le système éducatif francophone  ou vers l’anglophonie ou  le système éducatif anglophone. Les deux systèmes se diffèrent par le contenu, les méthodes pédagogiques et surtout par les objectifs. Beaucoup de pays africains et quelques pays asiatiques  se sont orientés vers la France, d’autres ont choisis le système anglais.

On a assisté durant cette étape à la formation de deux pôles éducatifs dont la langue est l’outil à travers lesquelles  on véhicule la culture et à travers laquelle passe le politique et l’économique. On vit alors la bipolarité éducative. Chaque pôle est indépendant de l’autre. LA concurrence est presque inexistante.  C’est ce qu’on peut appeler l’internalisation éducatif car elle n’englobe pas l’ensemble des pays du monde mais elle s’est concentrée dans les pays du nord considéré comme le laboratoire scientifique du monde.

Jadis, on parlait nord-sud, aujourd’hui, plus de distinction entre pays du nord et pays du sud, pays riches et pays pauvres ou pays est ou ouest. Aujourd’hui, la compétition entre les universités à travers le monde a remplacé la coopération, le partenariat de solidarité est devenu un partenariat stratégique basé sur une politique d’internationalisation de l’enseignement supérieur avec des objectifs dont les retombés sont important sur l’économique, le politique, le culturel. Tout passe sous le bulldozer  de la mondialisation. 

A titre d’exemple, l a première université au Maroc (Mohamed V) a été édifiée sous le modèle de l’université Française en 1959 en attendant de construire une infrastructure d’enseignement supérieur diversifiée. Plusieurs contingents d’étudiants marocains  se sont inscrits en France. Il faut attendre les années 80 pour que le Maroc se dote d’une vraie infrastructure d’enseignement supérieur. Les universités marocaines se  sont alors lancés dans des programmes d’échange et de coopération avec les universités Françaises puis après avec  l’ensemble des universités du Monde. Parmi celles des universités marocaines qui se sont hissé au top des universités mondiales particulièrement au niveau de la recherche et des programmes d’échange, l’Université é Cadi  Ayyad  de Marrakech. Cette Université est devenue la première au Maroc par le nombre d’étudiants, mais aussi par sa performance au niveau de la recherche scientifique (50 ème au monde,1ère dans le monde arabe et 1ère en Afrique du Nord selon un calssement de word Economies de 2015) .

Le rapprochement des deux pôles va se faire grâce aux grands bouleversements qu’a vécu le monde : mutations culturelles, la domination des  nouvelles technologies, la science qui est arrivée au stade de la maturité finale  n’appartenant à aucun pôle ni à aucun pays, le nombre des étudiants à l’échelle  mondiale qui croit année sur l’apparition de nouveaux pays émergents en Asie, de nouveaux géants économiques dont la Chine et particulièrement. (http://www.planetoscope.com/Education/)

C’est l’équivalent de près de 4 étudiants par seconde qui entrent (et qui sortent) du système éducatif et scolaire dans le monde, soit 120 millions par an. Entre 2000 et 2015, le nombre d’étudiants dans le monde va passer de 100 millions à 180 millions.

Selon les rapports sur l’effectif des étudiants dans le monde, on remarque la montée du nombre des étudiants dans les pays émergents  (la Chine, l’Inde, l’Indonésie en premier lieu, puis l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite, l’Argentine, le Brésil, la Corée du Sud et la Russie). Ces pays ont largement distancé l’occident en tant qu’usine à étudiants. D’ailleurs la Chine s’est fixé un ambitieux objectif de transformer la Chine de l’atelier du monde en laboratoire du monde en définissant une stratégie de développement de son système d’enseignement supérieur basée sur des programmes nationaux d’excellence et des programmes de leader à l’international au niveau de la recherche dans ce qu’ils appellent la ligue des 9 grandes universités chinoises dotées de moyens financiers astronomiques.

Selon un rapport présenté par France Stratégie en  Janvier 2015 sous le thème « INVESTIR DANS L’INTERNATIONALISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » le passage  de l’internationalisation éducative à la mondialisation éducative s’est accompagné par trois transformations :

  • 1ère transformation : la trans-nationalisation du savoir. C’est l’heure de la mondialisation éducative où le rapprochement entre les instances pédagogiques devient une nécessité incontournable. L’innovation et la recherche ne sont plus centrées dans les pays du nord mais se positionnent de plus en plus dans les pays du sud. L’évolution des trois indicateurs les plus significatifs permet de comprendre cette trans-mondialisation (les dépenses de recherche, le nombre d’étudiant et la mobilité des étudiants

1) En 2010, la Chine et la Corée du Sud ont dépassé le Royaume Uni et la France en matière de dépenses de recherche alors qu’ils ne figuraient pas dans les cinq premiers en 2000.

2) Le nombre des étudiants  est passé de 100 millions à 180 millions entre 2000 et 2015 (la moitié de cette croissance s’est faite dans les pays émergents)

3) La  mobilité des étudiants  a doublé entre 2000 et 2014 soit de 2 à 4 millions et seront 7.6 millions en 2025. (http://www.uis.unesco.org/Education/)  

  • 2ème transformation : la multi polarisation  qui a détrôné les grands pôles d’accueil des étudiants étrangers es derniers  ont perdu une grande part de leurs marchés en faveur de nouveaux pôles plus avancés dans de nouvelles spécialisations de l’offre de formation de haut niveau de qualification dans les nouveaux pays émergents  particulièrement le BRICS  

 

  • 3ème transformation : la diversification qui s’est traduite par :
  1. l’affut des étudiants étrangers vers les pays du sud beaucoup plus que vers les pays du nord comme au paravent
  2. Pour répondre à un besoin stratégique en formation très pointues, les pays du sud ont développé l’aide financière aux étudiants pour les encourager à se déplacer vers les universités étrangères les plus performantes. L’exemple de la Chine est très frappant à ce sens.
  3. L’accroissement des échanges d’étudiants sud- sud dans le cadre d’une grande mobilité d’étudiants et de programmes d’établissement. En 2012, 17% des campus offshore relèvent des échanges sud-sud. Les pays exportateurs de campus sont les USA (77), le R.U (30), l’Australie (17) et la France (12). Les pays Importateurs de campus sont la chine (30), Dubai (24), Singapour (14) et Qatar (11). La position du Maroc est très pale et ne reflète pas les enjeux de l’intégration de notre système éducatif dans le paysage mondial (Global Higher Education, 2014)
  4. Les hubs éducatifs apparus en Asie et au Moyen Orient permettant aux étudiants de choisir les destinations les plus adéquates à leur besoin de formation.
  5. Des campus offshores avec plus de 200 campus en 2011 et une prévision de 280 en 2020.
  6. La révolution numérique a permis la création d’une dizaine de plateformes accueillant une dizaine de MOOCS aux USA et en Europe avec presque 300 cours en ligne. Une expérience a été initiée dans ce sens par l’Université Cadi Ayyad de Marrakech depuis 2014.
  7. L’apparition d’un nouvel acteur de l’enseignement supérieur, l’enseignement privé qui est venu pour compléter l’offre de formation et qui a percé dans l’internationalisation et la mondialisation de l’éducation.

 

En traitant la problématique de l’internationalisation de l’enseignement supérieur à travers des exemples réels , on comprendra  le passage de l’internationalisation éducative intégrée dans le phénomène de la mondialisation qui touche la production scientifique et la transmission du savoir (avec le système LMD de Bologne et le système des PHD) pour finir à une intégration éducative unifiée  et vécue par l’ensemble des citoyens du monde pour aboutir enfin  à l’unification de la connaissance et du savoir. Je pense que le compte à rebout a déjà commencé et d’ici une trentaine  d’années, il n’y aura plus de systèmes éducatifs propres à un pays ou à une zone géographique donnée ou à une culture donnée.

Le Maroc a encore beaucoup de chemin à faire pour que son système éducatif soit pris en considération par l’ensemble des intervenants et opérateurs mondiaux. Cela ne peut se concrétiser que si les autorités chargées de réformer le système prennent en compte les enjeux et les aboutissements de cette mondialisation dont l’objectif final est l’unification de l’éducation à travers la planète. Raisonner à notre petite échelle, avec des réformettes, avec des blocages et des politiques politiciennes ne pourront jamais permettre au Maroc de se positionner. Laisser faire, laisser aller, avoir confiance dans nos institutions publiques et privées, encourager et non décourager sont des voies à suivre pour décoller notre système éducatif et le rendre plus crédible que ce qu’il est aujourd’hui.  

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