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Enseignement supérieur privé «Un plan de relance s’impose plus que jamais»

CE QU'ILS DISENT DE NOUS !

Aimad Amzil
Directeur Général
Anouar Semlali
Conseiller en Gestion de patrimoine Crédit du Maroc

Enseignement supérieur privé «Un plan de relance s’impose plus que jamais»

Ahlam NAZIH

Moulay Ahmed Lamrani, président de la Conférence des grandes écoles, vice-président de la Fédération de l’enseignement privé (CGEM): «Une grande restructuration de notre système éducatif est en train de s’opérer. Encore faut-il que les décrets d’application de la loi cadre prennent en considération les spécificités des établissements privés» (Ph. AL)

En 2020, l’enseignement supérieur privé a subi l’une de ses pires crises. Pour Moulay Ahmed Lamrani, président de la Conférence des grandes écoles, il faudra attendre deux à trois ans pour reprendre une activité normale. En plus de la crise, le secteur se trouve face à un autre défi de taille, la réforme 2030 et la mise en œuvre de la loi cadre. Frais de scolarité, fiscalité, partenariat public-privé, investissement… Plusieurs points sont sur la table. Les tractations
avec le ministère de tutelle se poursuivent. Les détails.
– L’Economiste: L’enseignement privé a pris un sérieux coup en 2020. Les pertes se comptent par milliards de DH. Des estimations en termes de suppressions d’emplois, faillites…?
– Moulay Ahmed Lamrani: Les pertes sont estimées entre 40 et 60% du chiffre d’affaires pour l’enseignement fondamental, entre 20 et 30% pour le supérieur et beaucoup plus pour la formation professionnelle. Au niveau de notre fédération à la CGEM, nous avons entamé une étude d’impact de la pandémie sur l’enseignement privé (en cours de finalisation). Beaucoup d’écoles présentent des difficultés financières assez conséquentes, particulièrement dans le
primaire-secondaire, en raison de la baisse du pouvoir d’achat des parents. Une analyse comparative de la situation avant la pandémie nous permettrait de mettre en évidence les contraintes structurelles préexistantes, qui ont été exacerbées par la crise. L’impact financier se chiffrera certainement en plusieurs milliards de DH.
– Quelles perspectives pour cette année?
– Les charges du secteur en 2019-2020 ont été très lourdes, avec des investissements en équipements technologiques pour les cours à distance, des restructurations, des achats de produits désinfectants… Pour 2020-2021, nous avons en plus subi des retards dans les inscriptions et le démarrage des cours, ainsi que des pertes d’étudiants étrangers et des arrêts des activités parascolaires. Les perspectives pour cette année ne diffèrent pas de celle qui l’a précédée. La situation ne changera pas tant que la conjoncture économique ne s’améliore pas.
Je pense qu’il faudra attendre deux à trois années pour reprendre une activité normale.
– La loi cadre promet des réformes en profondeur. Où en sont vos négociations avec le ministère à ce propos?
– La loi cadre nous met devant une responsabilité historique pour la réalisation de quatre grands objectifs: réformer radicalement le système éducatif, l’élargir à toutes les composantes sociales, améliorer la qualité de l’enseignement, et enfin, répondre aux besoins du marché de l’emploi. Ces objectifs correspondent au travail déjà effectué par les établissements privés depuis plus de trente années. Les résultats sont là pour le prouver. Nous pensons sincèrement
que la loi cadre et la stratégie 2030 ont créé un contexte favorable pour réaliser les objectifs cités, mais sous certaines conditions.
– Lesquelles?
– Revoir les articles 13 et 14 de cette loi (ndlr: relatifs à la participation à l’enseignement/formation des enfants issus de milieux démunis, à la révision des régimes d’autorisation, d’accréditation et de reconnaissance des diplômes, des frais d’inscription, d’assurance…), car ils ne correspondent pas aux spécificités de nos établissements privés, et restent à clarifier. Il ne faudrait pas intervenir dans la fixation des frais de scolarité et d’études, parce que nous sommes dans un système libéral, et parce qu’il est inconcevable de ne pas lier la qualité de l’enseignement aux moyens financiers récoltés. Les acteurs du privé doivent aussi être associés à la réflexion sur la réforme et ses déclinaisons.
– N’est-ce pas déjà le cas?
– Le ministre a ouvert cette porte depuis la création de la Fédération de l’Enseignement privé (FEP) affiliée à la CGEM, et plusieurs réunions ont été tenues. Nous en sommes satisfaits, et sommes disposés à œuvrer pour la réussite de la réforme. Nos propositions s’articulent autour de plusieurs mesures prioritaires. Concernant l’enseignement supérieur, nous estimons qu’un plan de relance s’impose plus que jamais. Dans ce cadre, nous avons proposé plusieurs actions. Par exemple: Encourager l’investissement dans l’hybridation et les équipements numériques, renforcer la garantie des prêts étudiants, contribuer, dans le cadre d’un partenariat public-privé, au financement des technologies et des filières émergentes, formaliser la formation continue et lui donner un caractère diplômant dans le public et le
privé, encourager et formaliser la formation en alternance…
– Les nouvelles exigences en matière de création d’établissements supérieurs, ne risquent-elles pas de dissuader l’investissement dans le secteur?
– Au contraire. Le secteur est passé du statut de partenaire complémentaire à celui de composante du système éducatif. Les investissements continueront à être drainés. Les exigences dont vous parlez sont de nature à restructurer le secteur, à le mettre à niveau et à le placer sur le même pied d’égalité que le public. Bien sûr, certaines entités disparaîtront, car ne reflétant pas l’image que nous souhaitons développer. La loi cadre est venue avec une
panoplie de propositions pour booster l’investissement. Elle va plus loin en proposant des modèles de partenariats permettant de travailler main dans la main et gagnant- gagnant. Nous pensons qu’il faudrait créer un système fiscal distinct, en adéquation avec les particularités du secteur, pour qu’il puisse jouer pleinement son rôle. Nous estimons, aussi, que l’article 44 de la loi cadre, relatif au cadre contractuel stratégique, est une opportunité pour un vrai décollage économique du secteur.


Propos recueillis par Ahlam NAZIH

Il est temps que le bachelor soit activé!

C’est à partir de la prochaine rentrée que le bachelor est censé être lancé par les établissements prêts à le déployer. Pour Moulay Ahmed Lamrani, «il est temps que cette réforme devienne réalité, car le système LMD a démontré ses faiblesses». «Sans entrer dans des détails stériles, et sans tourner autour du pot, une formation classique de trois ans n’est plus adaptée aux besoins du marché du travail», pense-t-il. Avec son architecture souple et son focus sur les soft skills, le bachelor pourrait mieux répondre aux attentes des employeurs. Il reste à préciser si le master s’effectuera en une ou deux années. A la rentrée donc, deux diplômes seront proposés, une licence en 3 ans et un bachelor en 4 ans. «Il est difficile de prévoir les réactions des étudiants et des parents. Je pense que le problème sera réglé quand la réforme sera généralisée. Mais il faut bien commencer et avoir le courage de réformer. Selon ce qui est prévu, la réforme sera opérationnelle au plus tard en 2023», souligne Lamrani. 

 

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